L’ENDETTEMENT MONDIAL GRAVIT DE NOUVEAUX SOMMETS
L’endettement croissant
Ainsi, récemment le Fonds monétaire international (FMI) a sonné l’alarme à propos de la croissance de l’endettement des ménages, des entreprises et des gouvernements.
« Alors qu’en début d’année 2016 de nombreux analystes prévoyaient une année horrible, s’alarmant de possibles cataclysmes, le Fonds monétaire international a indiqué mercredi (5.10.2016) que la dette mondiale – tant publique que privée – avait atteint un montant sans précédent. Elle est désormais plus de deux fois supérieure à la richesse économique créée sur le globe. Selon un nouveau rapport publié par le Fonds, l’endettement global s’élevait à la fin 2015 à 152.000 milliards de dollars en dehors du secteur financier, soit 255% du produit intérieur mondial exprimé en nominal » (1).
La traduction de ce texte donne ceci : le produit intérieur mondial (la somme des marchandises* ou des valeurs d’échange produites dans tous les pays capitalistes pendant une année), que l’auteur appel « la richesse économique créée sur le globe » est sous financé pendant que des masses de capitaux sont accumulées dans les canaux de circulation évanescents et chimériques. L’économiste appelle ce capital financier « la dette mondiale ou l’endettement global ». On aura compris que ce crédit-dette constitue un emprunt sur la valeur d’échange (la valeur des marchandises) qui sera éventuellement produite par le prolétariat mondial. C’est justement là où le bât blesse, la crise de surproduction entrainant la réduction de la production, le chômage et la diminution des revenus des consommateurs, retardera d’autant leurs remboursements d’où les faillites des banques et institutions financières.
Pour les économistes le capital financier est la différence entre ce crédit-dette (public et privé) et le produit intérieur mondial. Ce qu’ils appellent aussi l’économie « irréelle » qu’ils opposent à l’économie commerciale et industrielle « réelle ». Pour les économistes, le capital financier est la somme de ce crédit-dette (que Lénine appelait capital bancaire) ajouté au capital productif représenté par les actifs des entreprises productrices de marchandises (que Lénine appelait le capital industriel). Pour les économistes, le capital financier est donc la somme du capital réel productif et du soi-disant capital irréel-non productif. Trouvez l’erreur ?
Chacun l’aura compris, dans un cas comme dans l’autre les concepts de capital financier – de « financiarisation » de l’économie – d’économie irréelle sont des métaphores pour indiquer qu’étant donné qu’une portion de plus en plus grande du capital argent circulant ne représente plus aucune valeur d’usage, ni donc aucune valeur d’échange (aucune marchandise en somme), une portion de plus en plus forte de la circulation capitalistique (toutes formes de monnaies* confondues) est désormais financière et spéculative, anciennement sous forme de billets au porteur – billets à ordre – obligations et actions (que Lénine appelait les coupons) – aujourd’hui, sous forme de fichiers numériques, transitant sur les réseaux de télécommunications. La technologie pour l’échange et la spéculation est nouvelle, mais pas l’objet de l’échange. Cette spéculation sur la valeur existait au tout début du capitalisme, la phase impérialiste ne fait que l’accentuer (2).
Le cycle des récessions économiques
L’économiste écrit : « De hauts niveaux de dette sont couteux parce qu’ils conduisent souvent à des récessions financières qui sont plus marquées et plus longues que les récessions normales », a estimé pour sa part Vitor Gaspar, directeur du département des affaires budgétaires au FMI. Cette flambée de l’endettement est la conséquence de la véritable boulimie d’emprunt qui a frappé le secteur privé, ce dernier surfant royalement sur la vague de « l’argent pas cher », courant alimenté par les politiques monétaires ultra accommodantes des grandes banques centrales » (3).
Il est futile de distinguer ainsi les récessions « financières » des récessions « normales ». En apparence, toute récession débute dans la sphère financière, puis transfert dans la sphère de la consommation, puis se transporte dans la sphère de la production, c’est-à-dire que l’économie productive tombe en panne sous le poids de l’économie parasitaire (boursière) qui accapare une part croissante de la plus-value. En apparence seulement, car dans la réalité concrète, une crise économique commence toujours dans la sphère de la production – c’est une crise de surproduction de marchandises – une crise de surproduction relative, car les besoins sociaux humains sont loin d’être comblé et pourtant les prolétaires, devenus soudainement des clients, n’ont pas l’argent requis pour consommer, le banquier leur prête donc de l’argent, collectant au passage sa livre de chair en intérêt, augmentant d’autant sa ponction sur la masse de plus-value jusqu’à ce qu’il « saigne » son client que le surendettement des ménages, des entreprises et des gouvernements rend apparent.
Toutefois, nous acceptons l’aveu non sollicité du directeur du FMI à l’effet que sous le mode de production capitaliste les sociétés passent d’une crise à une autre, quelle qu’en soit l’apparence. La boulimie d’emprunt n’est pas réservée aux ménages ni au secteur privé - elle frappe également le secteur public étatique (États + entreprises gouvernementaux) démontrant ainsi que sous le mode de production capitaliste entreprises privées et corporations publiques leurs empreintes économiques sont identiques (voilà pour les réformistes qui préconisent la nationalisation-socialisation des entreprises). Cette boulimie d’emprunt-crédit-dette est inévitable puisqu’elle vise à combler le manque à gagner pour la réalisation de la plus-value auprès des clients-consommateurs. En d’autres termes, ces emprunts-dettes visent pour les entreprises à encaisser aujourd’hui la plus-value qui ne sera peut-être jamais produite demain. En réalité, cette boulimie de capital « gagé » emprunte non pas de l’argent, mais du temps, un sursis, avant le grand effondrement de l’économie capitaliste. Et le plus terrible c’est que personne n’y peut rien, ni les banquiers, ni les spéculateurs boursiers, ni les politiciens contrairement à ce que prétendent les réformistes et les opportunistes qui aiment bien présenter les banquiers et les milliardaires comme des sanguinaires faisant la guerre pour satisfaire leur désir morbide. Savez-vous pourquoi les réformistes et les opportunistes répandent ce mythe des politiciens et des milliardaires mortifères ? C’est pour se proposer comme alternative pour la gouvernance de l’État des riches et la gestion de l’économie capitaliste. Pour notre part nous affirmons qu’il est inutile de substituer à l’État-major capitaliste une nouvelle équipe « socialiste », c’est le mode de production et ses institutions qu’il faut abattre sans rémission.
L’économie de la circulation contre l’économie de la production !
L’économiste poursuit : « Mais désormais, à l’heure d’une croissance atone, cet endettement constitue un lourd handicap pour de nombreuses entreprises, notamment en Chine où la situation devient de plus en plus préoccupante. Une dette privée excessive constitue un grand frein à la reprise mondiale et un risque pour la stabilité financière », a estimé quant à lui M. Gaspar » (4).
Comment espérer la stabilité monétaire et financière au milieu de la crise de surproduction planétaire ? L’économiste tente ici d’accréditer le mythe qu’il y aurait l’économie industrielle et primaire productive réelle d’un côté et l’économie financière monétaire bancaire boursière irréelle de l’autre et qu’il faudrait s’organiser pour qu’une forme de l’économie ne déstabilise pas l’autre forme de l’économie. Ces soi-disant « deux économies » (bancaires et industrielles comme les appelaient Lénine) n’en forment qu’une seule – inextricablement et dialectiquement – liée et « l’économie financière des emprunts, des dettes et de la spéculation » n’est que le reflet de l’économie réelle en cavale. L’économie de la circulation du capital « ou sphère de la circulation » ne peut être que l’image de l’économie de la production du capital « ou sphère de la valorisation » puisqu’il ne se produit aucune valeur nouvelle pendant la phase de circulation du capital contrairement à ce que laissent penser le système de prêt avec intérêt et le système de spéculation boursière et de fusion d’actifs. La Deutsche Bank l’apprendra bientôt à ses dépens comme toutes les autres banques incidemment.
Vous savez qu’elle est la preuve et la conséquence de cette imbrication entre ces deux sphères de l’économie ? C’est qu’au moment où l’économie de la valorisation-production du capital s’effondre, les acquisitions, les fusions et la concentration monopolistique sont en pleine expansion (5). C’est que le capital financier est soudainement trop abondant pour le capital productif circulant (industriel, primaire, construction, transport) qu’il est censé représenter. Ceux qui contrôlent ce capital financier – en profite pour s’emparer d’entreprises qui demain feront faillites, ce que les économistes bourgeois appelleront une « correction boursière ».
Les États capitalistes en faillite
L’économiste ajoute : « Le FMI souligne par ailleurs que les pays ont également vu leur dette publique gonfler et souffrent eux aussi de la conjoncture économique morose, ce qui restreint leur capacité à réduire ce fardeau. Selon les nouvelles projections du FMI, la dette du Japon devrait atteindre 250% de son produit intérieur brut cette année, celle de la Grèce 183% tandis que celle de la France devrait frôler les 100%. À la fin de l’année 2015, la dette publique de la Grèce atteignait d’ores et déjà 176% du PIB, tandis que le ratio d’endettement du Japon s’élevait à 248%. De quoi rendre quasiment impossible un remboursement » (6).
À des degrés divers, c’est la situation de tous les pays sur Terre. Aucun remboursement conséquent n’est envisageable ni de la part des entreprises privées ni de la part des gouvernements, d’où la conséquence assurée d’une débandade (correction) boursière et bancaire suivit d’une dévaluation monétaire, l’or devenant la valeur refuge, et la misère le lot des prolétaires de la planète toute entière. C’est essentiellement cela la phase impérialiste ultime du mode de production capitaliste. Nous verrons la semaine prochaine comment se déroule ce phénomène à partir de l’analyse de la faillite appréhendée de la Deutsche Bank. Puis nous analyserons le phénomène de fusions-acquisitions de titres boursiers surévalués avant de dévaluer.
Les fonds « vautours » menacent les « requins » de la finance
L’analyste persiste : « On comprend d’autant mieux pourquoi, lors des soixante ans du Club de Paris, le 1er juillet dernier, la directrice du FMI, Christine Lagarde a appelé tous les acteurs officiels à se mobiliser pour améliorer les dispositifs de faillite des États. La dirigeante a pointé le problème posé par le volume monstrueux de dette souveraine ne contenant aucun bouclier contre des créanciers agressifs. Dès le début des années 2000, l’idée de clauses d’action collective (CAC)* a commencé à germer. Les instances internationales cherchaient alors des moyens pour mieux protéger les États surendettés contre des créanciers procéduriers du type fonds « vautours », capables d’échapper à toute initiative collective d’effacement de dette » (7).
Que faut-il comprendre de ce galimatias ésotérique ? Que les vautours financiers ont commencé à se cannibaliser. La dame Lagarde signale à un clan capitaliste qu’un autre clan capitaliste se prépare à se jeter sur certaines proies (États) déjà dépecées par un clan concurrent sans respecter l’ordre de préséance dans le carnage. C’est le sauve-qui-peut financier anticipé. Ces fameuses clauses d’action collective sont des mesures visant à répartir les impayées entre les différents créanciers afin que l’un d’entre eux ne s’effondre pas emportant les autres dans sa chute. Ces clauses ne sont qu’un palliatif servant à retarder l’effondrement sans pouvoir l’empêcher comme va le démontrer le démantèlement de la Deutsche Bank allemande (8). Il faut comprendre que cette faillite pourrait être le premier acte « financier – bancaire – monétaire » résultant de la présente crise économique systémique du mode de production capitaliste (9).
Le directeur du FMI renchérit : « Fin 2014, le directeur juridique du FMI insistait d’ores et déjà quant à lui sur la nécessité d’agir également sur la dette plus ancienne. « Nous avons un stock d’obligations souveraines (d’une valeur de 900 milliards de dollars) qui ne contient pas les nouvelles clauses (CAC renforcé), dont une grande part ne va pas expirer avant 10 ans », s’alarmait alors Sean Hagan, dans une note, mettant en garde contre les risques liés à cette dette « héritée » (legacy bonds) dans le cas où des restructurations s’imposeraient » (10).
Qu’est-ce donc que ces restructurations qui s’imposent selon le directeur juridique du FMI ? Ce sont des renégociations – rééchelonnement de vieilles dettes souveraines, surtout si l’État débiteur tente de s’esquiver et de ne pas rembourser. Les autres États capitalistes sont intimés de se saisir des avoirs de ces États insolvables – ou des avoirs de ses ressortissants sur leur sol national et dans les paradis fiscaux offshore – afin de rembourser les créanciers vautours floués. Bienvenue dans l’insoutenable monde des requins de la finance.
En définitive cet article du FMI illustre le branlebas de combat qui présage d’une intensification extrême de la crise systémique du mode de production capitaliste dont l’expansion du « capital financier » ne constitue qu’un miroir aux alouettes mystifiant les « économistes » en goguette.
NOTES
* Marchandise, tout bien ou service offert sur le marché, que ce soit une machine-outil, du pétrole ou du pain. * Monnaie, tout document sur quelque support que ce soit servant à représenter une valeur d’échange. Argent, or, papier à ordre, papier-monnaie, fichier numérique, etc. * Une clause d’action collective (collective action clause en Anglais) permet à une majorité qualifiée des détenteurs d’une émission obligataire d’accepter une restructuration de la dette qui sera juridiquement contraignante pour l’ensemble des détenteurs. La clause doit être stipulée dans le prospectus d’émission de l’obligation et utilisée dans le cas de la dette souveraine de certains pays émergents.
(1) http://www.les7duquebec.com/7-daill… (2) Nous l’expliquions dans un texte précédent, ce fut l’erreur de Lénine, fourvoyer par Hilferding et par Hobson, que de confondre monnaie, capital, marchandise et valeur.http://www.les7duquebec.com/7-au-fr… (3)http://www.les7duquebec.com/7-daill… (4)http://www.les7duquebec.com/7-daill… (5)http://www.les7duquebec.com/7-daill… (6)http://www.les7duquebec.com/7-daill… (7)http://www.les7duquebec.com/7-daill… (8)https://www.euractiv.fr/section/eur… (9)http://www.huffingtonpost.fr/2016/0… (10)http://www.les7duquebec.com/7-daill…
Le savoir ne vaut que si il est partagé !!!
Pépito