C’est là qu’est le scandale: dans le fait que la drogue, pour une fois, ne serve plus à s’adapter ma
- Pépito
- 6 oct. 2016
- 11 min de lecture
Changer notre relation au réel

Toutes les valeurs se fondant sur la liberté, quand un domaine est considéré comme le seul ou la liberté puisse s’exercer, il devient aussi celle le domaine exclusif des valeurs de ce que ce qui va avec la morale. Osez le dévaloriser devient une infamie, qui permet de soupçonner toutes les autres. Quand j’explique patiemment à des types, comme à vous aujourd’hui, qu’il faut tout revoir en commençant par le commencement: physique, puis biologie, puis psychologie et sociologie enfin, ils me suivent jusqu’au moment où ils s’aperçoivent que je place le problème social à la fin, et où ils s’écrient, indignés, mais oui, indignés, et c’est normal : “Tu prends le problème à l’envers!” C’est exact. Je le prends à l’envers d’eux. C’est à dire, pour moi, à l’endroit.
Industries, pollutions et lutte écologique
L’écologie devait intégrer (on en revient toujours là) le désir de révolution qui lui manquait (entre la non-violence apolitique du vieux militant catho et la non-violence contestataire d’un transfuge du gauchisme, il y a toute la distance qui sépare l’acceptation du refus). Le régime il risque rien, parce que la civilisation à besoin de lui. L’un soutenant l’autre, ils tiendront jusqu’au bout, jusqu’au suicide collectif. La pollution ne menace pas plus la civilisation que la corruption ne menace le régime. Il y a deux ans, “la pollution” faisait bien rigoler les professionnels de l’agitation politique, et Charlie Hebdo faisait bien rigoler les “spécialistes de l’environnement”. Maintenant les uns et les autres se sentent dépassés sur leur gauche et ne songent qu’à récupérer le truc. Quand elle flaire un danger, le société de consommation n’a qu’un réflexe: elle récupère.

L’enseignement de l’environnement conduit tout droit à la contestation, parce qu’il conduit tout droit à cette évidence que l’économie de compétition est incompatible avec la survie. Il ne s’agit pas de protéger la nature, mais de sauvegarder la vie. La vie, c’est nous, pas “produits du social” : êtres vivants. Il faut pas s’emparer des moyens de production, il faut pas changer de mode de production, il faut abolir la production. La transformation de matière vivante aboutit inéluctablement, volontairement ou non, après production ou déperdition d’énergie à un autre état d’organisation de la matière vivante. Or, pour la matière vivante, d’autre état d’organisation y’en a qu’un, c’est le retour au minéral, c’est la mort. Quand le guide fait visiter la galerie des glaces, à Versailles, il ne parle pas des centaines d’ouvriers étameurs qui sont morts sans savoir pourquoi, intoxiqués par le mercure, afin que le roy se mire. Le problème ne date pas d’aujourd’hui mais il a pris, aujourd’hui une dimension nouvelle. Car aujourd’hui c’est nous tous qui mourons comme les ouvriers de Versailles, d’utiliser la technique en aveugle. L’ère des parlotes est révolue. Si nous ne voulons pas crever de la pollution généralisée, il est grand temps de passer à l’action. Ces jours-ci, Paul-Emile Victor parlant à la radio a répondu (à peu près textuellement) au speaker qui l’interrogeait sur les moyens d’action à employer pour lutter contre la pollution: “… Il faut former des commandos et faire la guerre, je dis bien la guerre, une vraie guerre avec tout ce que cela implique”.
A votre santé
Si vous ne voulez pas vous emmerder en faisant bénéficier vos mômes d’une hygiène intelligente qui renforcera leurs immunités naturelles, si vous aimez mieux persévérer dans l’empirisme et la coutume, alors faites-les vacciner, par exemple: contre 50 % de chances de leur filer une déficience ou une maladie chronique peu visible et 100% de chances d’affaiblir globalement l’espèce en quelques générations, vous obtenez peut-être bien, chipotons pas, 90% d’immunité artificielle à des maladies infectieuses répertoriées contre lesquelles la médecine moderne ne sait lutter qu’en sapant le terrain avec des toxiques et qui ne sont pourtant que des processus naturels de retour à un métabolisme normal. La société ne sait que réprimer, mais l’habitude de considérer la répression comme un remède s’inscrit beaucoup plus profond qu’on ne croit. Dans les comportements, les modes de pensée les plus anodins, les moins suspects. C’est forcé.

Nationalisme, racisme, oppression sexuelle, oui c’est encore là, et un peu là. Et probablement même que ça le sera toujours, sous une forme ou sous une autre (avec des fondements “naturels” sur lesquels on n’a pas fini de se casser les dents, tant qu’on ne voudra pas faire aux exigences de la nature leur place et leur part) mais tout de même laissez-moi, ah! Laissez-moi rigoler. Vous vous excitez sur le cadavre de la fameuse “civilisation judéo-chrétienne” y’a longtemps qu’il bouge plus, il pourrit. On pourrit avec, et ça fait vivre un tas d’asticots. Provocation-bidon, baise couillons. On croit qu’on fout la merde, on est la merde. Entassements, stress, rupture des rythmes biologiques, dérèglements des échanges électro-magnétiques, carences nutritionnelles et cocktails d’intoxications à n’en plus finir, résultat: 80% d’impuissants partiels. Et qui réclament le droit au plaisir et la libre disposition de leur corps, sur un sol bitume, entre quatre murs de béton! Mime, pantomime, symboles. J’ai eu l’occase de causer avec un expert ès communautés qui fait pas mal de dupes dans un milieu où, il est vrai, les jobards abondent. Il recrutait. Il parait qu’il étouffe, le mec, dans cette civilisation judéo-chretienne oppressive qui fait tout pour nous emmerder. Encore un qui voulait changer les rapports entre les êtres en s’attaquant au mythe de base: le couple. Paraît que tous nos problèmes viennent de là. Le problème du couple, c’est le problème de base. Il développait ses théories à table, tout en dégustant un desserttout prêt y’a bon, ou je ne sais quel autre ersatz. Je lui ai dit que je voulais pas bosser avec un mec qui bouffe Prisunic, le mec qui bouffe Prisunic il a rien compris, et j’ai scandalisé mes potes qui écoutaient l’orateur et qui m’ont pris pour un “végétarien sectaire”, la bouffe c’est important mais tout de même secondaire, c’est pas le problème de base. Eh bien les potes, la civilisation judéo-chrétienne, peut-être qu’elle vous a bien conditionnés mais je vois qu’elle continue. Dites-moi vous baisez aussi souvent que vous bouffez? Et autour de quoi avez vous bâti vos mythes, pris vos plis, formé votre caractère, quel a été votre principal centre d’intérêt entre 0 et 5 ans, à l’âge où, disent les psychologues, tout se joue? Baiser ou bouffer? Et de quoi on meurt le plus vite, de pas baiser ou de pas bouffer? Et de quoi on meurt le plus vite, de pas bouffer ou de pas respirer? Apprendre à respirer, finalement, est-ce que c’est pas par là qu’il faudrait commencer ? Est-ce que ça serait pas ça le problème de base? Si on change pas tout, on change rien. Si on veut tout changer, faut commencer par le commencement, par la base. La vraie.

La révolution écologique
L’irruption du fait écologique dans notre champ de conscience signifie d’abord la fin de l’anthropocentrisme, et par voie de conséquence, la fin d’un certain ratiocentrisme cartésien: le je pense donc je suis figurant au centre du monde, comme seule réalité indubitable, avec tout le reste autour et s’y rapportant. D’où la mécanisation de l’univers, figurée puis effective, conformément à nos seules structures intellectuelles. Cette remise en question devra se faire mais ne l’est pas encore. C’est aux plus intellectualisés qu’elle posera le plus de problèmes. Tel scientifique a déjà compris, et le proclame, que l’humanité ne survivra qu’en changeant de buts, en abolissant la société de gaspillage et de surenchère. Il se croit révolutionnaire et ne l’est pas. La découverte d’un nouveau but doit entraîner celle de nouveau moyens. Cette révolution-là ne se fera pas sur des barricades. Avant d’être révolutionnaire il faut être subversif.
Il va de soi qu’ “écologique” s’entend au sens le plus large du terme. Ce n’est pas le “problème de l’environnement” qui nous intéresse, ce sont les extraordinaires possibilités de révolution enfin globale, radicale et fondamentale que fait entrevoir l’absolue nécessité de la résoudre.
La contestation de type proprement politique ne nous paraît plus pouvoir déboucher que sur des impasses. Il faut s’opposer aux bases mêmes du système, qui sont économiques. On ne peut plus changer la société sans, d’abord, changer la vie. Nous subissons les ultimes développements logiques d’un capitalisme devenu, non plus seulement international mais planétaire. La société capitaliste, c’est la civilisation industrielle elle-même. Elle ne se contente plus de nous exploiter, elle nous détruit. Une seule issue: la révolte. La défense de l’environnement (nous préférerions dire comme les “provos”hollandais: la réconciliation de la Nature et de la Culture) est devenue le problème n°1. La prise de conscience écologique ne débouche pas sur des réformes, des palliatifs, des rafistolages, comme on voudrait nous le faire croire en haut lieu, mais sur une révolution, seule capable d’imposer le passage inéluctable d’une économie de croissance et d’exploitation à une économie d’équilibre et de partage.
Notre sympathie pour le mouvement “hippie” ne nous empêche pas de penser que la solution n’est pas dans une marginalisation des individus conscients, mais dans une sensibilisation des masses, qui débouchera un jour ou l’autre, sur leur mobilisation. Nous pensons que cette mobilisation est possible, sinon dans l’immédiat, du moins dans un futur assez proche pour qu’il faille, dès maintenant, le prévoir et le préparer. Notre obsession: nous faire comprendre de Monsieur Tout-le-monde, lui faire comprendre qu’il ne sauvera sa peau que si le monde change. Aucun mouvement révolutionnaire n’a jamais disposé d’un argument pareil.
La révolution n’est plus possible par l’émeute dans la pétaudière des villes où le flic, par la force des choses, devient le seul intermédiaire possible entre la machine et l’homme, et vous l’alibi dont il a besoin, comme l’anar poseur de bombes au début du siècle. C’est plus dans le piège à cons des usines, c’est dans les campagnes déjà qu’on peut le mieux bosser, changer quelque chose. Les villes sont condamnées, les citadins foutus, sortez des villes. C’est seulement dans les villes quadrillées par le pouvoir qu’on peut prendre un pouvoir dont on a plus rien à foutre, et s’y laisser prendre. Faut pas prendre le pouvoir ni le contrer, faut le narguer. Ce sont des structures de non-pouvoir qu’il faut mettre en place. Et c’est au dehors des villes, en marge du pouvoir, que changera la vie, que se fondera, avant de tout envahir, la révolution existentielle, la révolution non-violente, libératrice et fraternelle. La crise écologique c’est bien autre chose que “la pollution”, problème marginal appelant des solutions appropriées (croit-on), c’est la soudaine et brutale révélation de l’échec de la raison. La civilisation technologique s’en remettra pas. La raison ne pouvait constituer, à elle seul, ni un moyen ni un but, c’est à dire qu’elle ne pouvait fournir de base matérielle ni spirituelle viable. Y’a plus de base! Tout le monde est paumé. Parce que “plus de base” évidemment ça veut dire: pas plus de base pour les“révolutionnaires” que pour les “conservateurs”. Ils sont aussi réacs les uns que les autres. Pas plus, pas moins. La vie (pour nous êtres humains) c’est la fusion du sentiment de la raison dans l’expérience individuelle (laquelle n’annule pas mais englobe l’expérience de laboratoire c’est-à-dire l’expérience dans les limites de la raison). Conséquences, auxquelles je fonce directo, en sautant allègrement par-dessus les cheminements logiques qui rendraient mes propos moins sibyllins peut-être: fin du distinguo théorie-pratique, intégration de la compréhension, de la contemplation et de l’action dans la vie, substitution de la vie à “l’action”, fin des philosophies spéculatives, promotion des philosophies opérationnelles, bref : fin des actions collectives dans lesquelles chacun n’engage qu’une part de soi, donc fin des meneurs: fin des théories, donc fin des théoriciens; fin des spéculations, donc fin des prophètes.
Pendant qu’on nous amuse avec des guerres et des révolutions qui s’engendrent les unes les autres en répétant toujours la même chose, l’homme est en train, à force d’exploitation technologique incontrôlée, de rendre la terre inhabitable, non seulement pour lui mais pour toutes les formes de vies supérieures qui s’étaient jusqu’alors accommodées de sa présence. Le paradis concentrationnaire qui s’esquisse et que nous promettent ces cons de technocrates ne verra jamais le jour parce que leur ignorance et leur mépris des contingences biologiques le tueront dans l’œuf. La seule vraie question qui se pose n’est pas de savoir s’il sera supportable une fois né mais si, oui ou non, son avortement provoquera notre mort.
Depuis 2 000 ans, la première vraie révolution, toutes les autres en découlent, s’est produite quand l’irruption du phénomène scientifique a provoqué la partition de l’homme et de la nature en substituant, à une relation de fils à mère, une relation de sujet à objet. La deuxième commence sous nos yeux: de plus en plus nombreux sont ceux qui embrayent sur le réel tel qu’il est, et se servent de la lutte anti-pollution comme du seul levier révolutionnaire accessible aujourd’hui.
On ne change rien si l’on ne change pas tout. Et c’est bien parce qu’il va falloir à toute force changer ce rien, au regard myope des intellectuels coupeurs de mots en quatre, ce rien, cette paille qu’est votre attitude agressive et négative vis-à-vis de tout ce qui nous entoure et vis-à-vis de nous-mêmes (car tout se tient), c’est bien pour cela que tout va changer. Je n’ai jamais prôné le retour pur et simple à la matrice, j’ai demandé que ce retour inévitable qui précède des catastrophes, ne se fasse pas sous la pression de catastrophes, ne nous soit pas imposé, ne se traduise pas, de ce fait, par une régression; qu’il n’entraîne pas, par force, la perte de nos acquis, ni n’en découle, mais qu’il soit voulu et conscient; qu’il s’effectue, pendant que c’est encore possible, au niveau supérieur de conscience, qui est ou pourrait être le nôtre. Il ne s’agit pas de renoncer à s’affranchir des fatalités naturelles, mais de prendre enfin conscience de ce que nous ne nous en sommes pas affranchis, de ce que le seul moyen de nous en affranchir est de les dépasser par la connaissance et de que cette connaissance nous appartient à tous, appartient, de droit, à chacun de nous.
Révolution globale, ça veut dire en réalité, révolution FONDAMENTALE parce que c’est sur le fond que s’opère la synthèse sans quoi la globalité reste inaccessible.
Dans une civilisation qui met l’essentiel en marge, le marginalisme est parfois le plus court chemin vers les aspirations du plus grand nombre.
Loin d’occulter le problème social, le problème écologique nous fourre le nez dedans. Simplement, il lui fournit le cadre hors duquel toute recherche de solution ne pourrait être que fantaisiste.
Les sondages, les meetings ça ne peut servir qu’à faire la guerre. On ne fait pas plus la paix avec ça qu’avec des mitraillettes. L’idée de paix, creuse abstraction plaquée sur la trame d’une civilisation belliciste par essence, recèle exactement la même charge d’inévitable agressivité dynamique pure, par exemple, que l’idée du progrès, autre creuse abstraction, simple justification d’un dogme absurde de la croissance économique exponentielle, de l’équilibre acquis par l’enflure indéfinie du pouvoir, du nombre, des besoins, des satisfactions, des insatisfactions, des obligations et des conflits. Tant qu’on ne changera pas radicalement, c’est-à-dire en allant plus loin que “le social”, les bases d’une société qui fait de l’agressivité le principe du progrès, et qui ne définit le progrès qu’en termes de quantité, l’état de guerre restera ce qu’il est: le seul moyen de résoudre quand même les conflits économiques qu’on ne peut résoudre en état de paix. Faut savoir ce qu’on veut. Si l’on accepte que la paix soit relative, soit une guerre larvée, faut accepter l’éventualité de l’état de guerre comme crise évolutive et normative inévitable entre deux états de paix relative.
La paix, c’est toutes les cinq minutes qu’il faut la faire. Si vous avez pigé ça (si vous êtes aussi loin que moi d’avoir vraiment pigé) et si un type vous frappe sur la joue gauche, foutez-y un grand coup de tatane quelque part, ça vaudra mieux pour vous, pour lui, pour tout le monde.
Les finalités réelles de la société industrielle sont totalement irrationnelles et l’industrie de la guerre, ne fait que rendre plus évidente encore cette irrationalité fondamentale. Cette démonstration que les faits sont en train de nous fournir, de l’irrationalité fondamentale du positivisme, est évidemment très emmerdante pour les marxistes puisque le marxisme n’est qu’un des multiples développements du positivisme; qu’une des multiples manières de croire que les faits sont contenus tout entiers dans la mesure qu’on peut en faire et la définition qu’on peut en donner.
La société doit cesser d’être organisée pour devenir organique, s’affranchir des modèles mathématiques pour se calquer sur des modèles biologiques. Ceci n’implique pas l’abandon de l’optique scientifique, mais son dépassement; n’implique pas le renoncement à la réflexion, ni à l’expérimentation, mais leur approfondissement. Ce retour conscient à la nature est tout le contraire de “naturel”. Il va même exactement en sens inverse des tendances les plus “naturelles”.
Le quoi faire ne gène personne? La question n’est pas: quoi faire? Mais: comment faire? C’est le comment faire qui est révolutionnaire. Il faut:
Foutre le camp, mais pour mieux revenir.
Faire la grève, mais pour tout investir.
Mettre en route dès ajourd’hui, “now!”, la subversion par le mode de vie.
Appliquer, rechercher et faire connaitre des techniques de boycott, des techniques de substitution, des techniques de survie, des techniques de retour au primordial et au vital.
Partir de la réforme individuelle et la faire déboucher sur la réforme collective, appelez-la révolution, en reconstituant le lien organique des petites collectivités naturelles que la centralisation a détruites.
Mettre en place et développer des structures, des moyens, des méthodes de non-fric, non-consommation, non-production, non-dépendance, non-obéissance.
Le savoir ne vaut que si il est partagé !!!
Pépito